Les marchés

Les chiffres économiques alimentent le marathon des marchés

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Les marchés actions ont poursuivi leur hausse durant cet été (21,2 % pour l’indice mondial en euros depuis le début de l’année), soutenus par une conjoncture robuste et des croissances bénéficiaires exceptionnelles des sociétés, ainsi que des taux d’intérêt réels (sans inflation) largement négatifs. De leur côté, les gouvernements renforcent leurs politiques de soutien budgétaire, avec notamment la mise en œuvre du plan de relance européen et surtout l’adoption aux États-Unis d’un plan massif d’investissement dans l’infrastructure.

La progression des marchés commence à ressembler à une course longue distance. Ce marathon n’a pas été un « long fleuve tranquille » pour autant. Plusieurs fois, les marchés ont brutalement dévissé durant l’été, pour des motifs contradictoires :

  • crainte que la reprise ne s’essouffle en raison de la remontée des contaminations au Covid, surtout dans les pays émergents moins vaccinés ;
  • crainte opposée que cette reprise ne soit trop forte, qu’elle provoque une inflation durable ainsi qu’une hausse des taux d’intérêt, qui mettrait en péril les valorisations des marchés.

Leur reste-t-il suffisamment d’oxygène pour continuer leur progression dans les prochains mois ?

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Contaminations en hausse, impact économique limité

Les contaminations au variant Delta continuent d’augmenter, mais essentiellement dans les populations insuffisamment vaccinées. La lutte contre la pandémie, entamée il y a 18 mois, est un processus long qui nécessite des ajustements constants. La mise en place de campagnes de vaccination efficaces et généralisées, combinées avec des mesures restrictives ciblées pour contenir de nouveaux foyers de contamination, s’avère pour le moment la solution la moins coûteuse sur le plan économique et social. C’est la politique suivie par les pays développés et, dans une moindre mesure, par les pays émergents, plus lourdement affectés par la seconde phase de la pandémie. Actuellement, la hausse des contaminations a un effet beaucoup plus limité sur l’économie, qui s’est adaptée à cette situation nouvelle. Par contre, l’indice mondial de mobilité, en progression constante depuis un an, commence à stagner.

Inflation : stop ou encore ?

La brutalité de la reprise économique au second trimestre a entraîné de fortes augmentations de coûts, dans les secteurs les plus affectés par la crise sanitaire (horeca, voyages, …) ou soumis à des ruptures dans les chaînes d’approvisionnement. L’inflation aux États-Unis dépasse les 6 % ; en Europe, elle devrait se maintenir au-dessus des 2 % pour le reste de l’année.

Cette remontée de l’inflation, surtout aux États-Unis, est-elle une poussée de fièvre sans lendemain, ou une tendance à plus long terme ? Les banquiers centraux ne sont (pour le moment) pas inquiets, car ils considèrent que ces mouvements reflètent essentiellement des problèmes de redémarrage de l’économie. À titre d’exemple, l’indisponibilité temporaire de composants électroniques freine la production des voitures et entraîne une hausse de la demande – et donc des prix – des voitures d’occasion (+ 40 % aux États-Unis). Ce seul phénomène explique les deux tiers de la montée de l’indice des prix de juin.

Le déficit de main-d’œuvre, surtout dans le secteur des services, est aussi un élément qui devrait s’estomper en septembre quand prendra fin le régime temporaire d’indemnisation du chômage aux États-Unis. La baisse récente du prix du pétrole est également un indice de normalisation de l’inflation.

Composants de l'indice des prix à la consommation américain (juin 2021) 20210902-macro-frSource : Bureau de la statistique du travail des États-Unis

Politiques monétaires : vers une normalisation (très) progressive ?

Les politiques monétaires des grandes banques centrales restent particulièrement accommodantes : taux d’intérêt à court terme proches de zéro, injections massives de liquidités par des rachats d’obligations qui maintiennent les taux nominaux à des niveaux extrêmement bas (-0,44 % en Allemagne, 0 % en moyenne en Europe, +1,27 % aux États-Unis). Les taux réels (taux nominal diminué de l’inflation) sont très largement négatifs.

Aux États-Unis, on commence seulement à évoquer l’idée d’un « tapering » (réduction du volume d’achat d’obligations par la Federal Reserve, la banque centrale américaine) fin 2021, qui serait suivi d’une légère augmentation des taux (+0,5 % ?). En Europe, aucune hausse n’est envisageable avant 2024.

La Banque Centrale Européenne (BCE) vient d’ailleurs d’adopter un changement majeur de sa mission, sous l’impulsion très habile de sa présidente, Madame Lagarde. L’objectif d’inflation devient « symétrique autour de 2 % », plutôt que « inférieur à 2 % ». Grâce à une relecture intelligente des traités, son mandat devient double, à l’instar de celui de la Federal Reserve : stabilité des prix ET croissance de l’économie, visant le plein-emploi, le progrès social et la qualité de l’environnement. Adoptée à l’unanimité de ses membres (y compris les Allemands), cette évolution, passée quasi inaperçue, amènera la BCE à appliquer une politique monétaire plus volontariste et moins obsédée par la rigueur et la peur de l’inflation.

La croissance économique surprend par sa vigueur

Tout au long de l’année, les prévisions de croissance ont été revues à la hausse, particulièrement aux États-Unis et en Europe. Le FMI (Fonds Monétaire International) prévoit une croissance mondiale de 6 % en 2021 et de 4,9 % en 2022, après une contraction de -3,2 % en 2020. Les prévisions de croissance en Asie, surtout en Chine, ont été revues un peu à la baisse, en raison des reconfinements dans certaines régions.

 

Perspectives économiques du FMI (croissance réelle du PIB, variation en %, juillet 2021) 

20210902-macro-2-frSource : Fonds Monétaire International
 
 

La vigueur actuelle de la reprise est en grande partie redevable aux relances budgétaires opérées par les états (surtout des pays avancés), estimées globalement à 12 000 milliards de dollars. Ces relances alourdissent évidemment les déficits (+10 % en moyenne) et les dettes publiques (+20 % dans les pays avancés, à 120 % du PIB en moyenne). Cette situation reste gérable grâce à la double action des banques centrales : maintien de taux d’intérêt très bas et achats massifs de la dette des États, dont la croissance se trouve ainsi neutralisée.

Les marchés actions : toujours en hausse, sauf en Asie

La hausse des marchés se poursuit. Depuis le début de l’année, exprimés en euros, ils enregistrent une performance de +21,2 % pour l’indice mondial (MSCI World), +24,6 % aux États-Unis (S&P 500), +18,7 % en Europe (Stoxx 600). De son côté, la Chine est à la traîne à -5,5 % (Hang Seng) : l’interventionnisme du gouvernement dans les secteurs de l’internet et de l’éducation a en effet entraîné une large perte de confiance des investisseurs (lisez notre article sur le sujet).

Cette hausse des marchés est largement justifiée par celle des résultats des entreprises : +41 % et +53 % en 2021, respectivement aux États-Unis et en Europe, +20 % et +25 % attendus en 2022 (contre -14 % et -34 % en 2020). Le rapport cours / bénéfice à 12 mois se maintient autour de 20 pour l’indice mondial. La prime de risque des actions (excédent de rendement par rapport aux obligations) oscille entre 4 et 5 %, ce qui justifie le niveau actuel des marchés.

Perspectives : une préférence pour les actions avec vigilance

La progression des principaux marchés actions (hors Asie) est justifiée par la robustesse des économies et des résultats des entreprises, ainsi que par la faiblesse persistante des taux d’intérêt (négatifs en termes réels).

Pour l’investisseur, il est donc logique de privilégier les actions, tout en restant attentif aux évolutions à plus long terme de l’inflation. La crise sanitaire reste un risque important, car ses évolutions sont inédites et peuvent encore et toujours surprendre.

 

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